« Une musique de danse faite par des Noirs pour des Noirs » : c'est ainsi que le guitariste Muddy Waters définit le rhythm'n'blues, cette musique excitante et tonique qui est un enfant de la guerre. C'est que la Seconde Guerre mondiale a bouleversé l'ordre du monde, et propulsé les Etats-Unis au grade de pays le plus puissant de la planète. L'Amérique devient un phare, et ce qui vient de là-bas paraît soudain terriblement moderne. Des petits orchestres au son agressif dopé à l'électricité mélangent du blues, du swing, du boogie-woogie, du gospel et des romances pour un résultat détonnant : le rhythm'n'blues, bande-son idéale de l'époque nouvelle. Dès l'après-guerre et le début des années cinquante, Fats Domino, Little Richard, Ike Turner, Nat King Cole et des dizaines d'autres mettent leurs pas dans les traces de Louis Jordan ou T-Bone Walker et enflamment les planches des clubs réservés aux Noirs.

Aux Etats-Unis, les grandes compagnies de disque (qui avaient, durant la guerre, négligé le marché des Noirs pour cause de pénurie de matières premières) n'ont d'abord pas senti venir le nouveau souffle. Une multitude de petits labels, qui poussent alors comme des champignons, raflent la mise et profitent de la nouvelle manne. Juke-boxes et radios portent la bonne parole jusque dans les campagnes les plus reculées, tandis que l'invention du vinyle permet maintenant de produire en masse des disques plus solides et bon marché. Le marché se redresse (on passe de 109 millions de disques vendus aux USA en 1945 à... 218 millions en 1946), le rhythm'n'blues s'impose en tête des meilleures ventes, et les Noirs, artisans de cette mutation, voient dans cette nouvelle et puissante vague un moyen de promotion sociale et une manière d'échapper au ghetto. En 1954, Elvis Presley, jeune Blanc de Memphis fasciné par le rhythm'n'blues et abreuvé de gospel, réussira – bien malgré lui - à incarner les frustrations d'une jeunesse blanche qui étouffe dans une Amérique où les traditions pèsent lourd, et jettera ainsi les bases d'un nouveau genre plein d’avenir : le rock'n'roll.

Bernard Poupon
Mars 2005

Quelques disques essentiels :

Roots of rhythm & blues (Frémaux et Associés)

Louis JORDAN & Tympany Five - Louis Jordan (Charly)

T-Bone WALKER – Swinging the blues (Saga)

Nat King COLE – The Complete After midnight sessions (Capitol)

Screamin' Jay HAWKINS - Cowfingers and mosquito pies (Epic)

Ike & Tina TURNER - Live in Paris (Fnac music)

Koko TAYLOR - Force of nature (Alligator)

Charles BROWN – Drifting and dreaming (Ace)

The Specialty story vol. 2 (Specialty)

Joe LIGGINS - Joe Liggins and the Honeydrippers (Specialty)

FATS DOMINO - Fats Domino (Pathé Marconi EMI)

LITTLE RICHARD - 22 Classic Cuts (Ace records)

Chuck BERRY - Hail! Hail! Rock'n'roll (Charly)


Ces compacts sont disponibles à la discothèque
Consulter le catalogue


Pour en savoir plus :

Quelques livres essentiels :


Sebastian DANCHIN – Encyclopédie du rythm & blues et de la soul (Fayard)
André FANELLI – Rhythm’n’blues (Jazz Hot/L’Instant)
Francis HOFSTEIN - Le Rhythm and blues (Que Sais-je?)



Quelques sites internet :

Rhythm & Blues Foundation

R&B Music Primer

 
Voir fiche suivante :
Du blues au rap 4 : la soul