Kenny Clarke (1914-1985)

I found a little house in Montreuil about four years after I got here. Things were going good, so I just bought it. And when I bought the house I said, “Well, here I am. This is home.”
Kenny Clarke


Biographie

Kenneth Spearman Clarke, alias Liaquat Ali Salaam de son nom musulman, est né à Pittsburg le 9 Janvier 1914.
C’est le fils de Charles Spearman et de la pianiste Martha Grace Scott. A l’âge de 6 ans, il perd sa mère et, après le départ de son père, il est placé, avec son frère Chuck, dans une pension pour enfants abandonnés. Là, il apprend la caisse claire, le trombone et le vibraphone.

A l’âge de 17 ans, il démarre sa carrière professionnelle au sein des groupes de Leroy Bradley et George Hornsby. En 1933, il est en tournée en Virgine avec Leroy Bradley et joue fréquemment au Cotton Club de Cincinnati où il découvre les ensembles d’Ellington, Lunceford et Calloway.
En 1934, il rejoint les membres du Andrew Kirk Band et fait la connaissance de la pianiste Mary Lou Williams qui lui recommande de passer une audition pour intégrer le Jeter-Pillars Band à Saint-Louis. Aux côtés des saxophonistes Jimmy Jeter (alto) et Charles Pillars (tenor), il retrouve parfois Charlie Christian, Jo Jones.

Lassé du répertoire swing de cette formation, et sur les conseils de Ben Webster, il part pour New-York et forme, un temps, un trio avec le pianiste Call Cobbs et son frère, le bassiste Franck Clarke. Après le départ de Cobbs, les deux frères travaillent avec le saxophoniste Lonnie Simmons qui, au Black Cat du Greenwich Village, attire une élite de jazzmen new-yorkais parmi lesquels Lester Young, Benny Goodman, Count Basie, Teddy Wilson.
Peu de temps après, Kenny Clarke rejoint le big band d’Edgar Hayes où il joue batterie et vibraphone. Il réalise ses premiers enregistrements et effectue une tournée européenne en 1938. Le saxophoniste Budd Johnson se souvient qu’à cette époque, Kenny Clarke utilisait des accents inhabituels à la grosse caisse. Clarke dira plus tard que c’est au sein du Hayes Band qu’il développera ses idées rythmiques.

A son retour aux Etats-Unis, Kenny rejoint l’orchestre de Teddy Hill, “pistonné” par Gillespie. Il dispose d’une entière liberté pour développer sa créativité rythmique avec la complicité de Gillespie.
On raconte que c’est durant l’interprétation d’Old Man River que Kenny Clarke libéra sa main gauche du charleston pour tenir le rythme à la cymbale ride, modifiant ainsi le son et l’approche de la rythmique.

En 1940, Teddy Hill devient le manager du Minton’s Playhouse et confie à Kenny Clarke le soin de former le combo qui animera les fameuses jam-sessions. Dans ce laboratoire du be-bop, Kenny est appelé “Klook-mop”, et son combo regroupe Nick Fenton (basse), Thelonious Monk (piano), Dizzy Gillespie, Joe Guy ou parfois Charlie Christian (guitare). Les jam-sessions permettent d’expérimenter et jettent la base du be-bop à venir. Un jazz moderne prend forme dans cette effervescence new-yorkaise. Kenny Clarke côtoie Chick Webb, Ella Fitzgerald, Jo Jones, joue avec Basie, Armstrong, Goodman, Coleman Hawkins, enregistre avec Bechet….

L’incorporation de Kenny Clarke dans l’armée en 1943 rend impossible sa participation aux premiers enregistrements “be-bop” réalisés par Coleman Hawkins, Charlie Parker et Dizzy Gillespie. Cependant, le style de jeu “Kenny Clarke” est bien là.
En 1944, il vient à Paris, pour la première fois, accompagner, au Théâtre de la Madeleine, “Jive’s à Poppin”, une revue patronnée par l’armée américaine, au sein de la formation 13th Special Service. Il s’attardera quelques mois dans la capitale, le temps d’enregistrer et de jouer avec les Be-Bop Minstrels français auxquels, lui, inventeur de la batterie moderne, apprit beaucoup.
La même année, Kenny Clarke se marie avec la chanteuse Carmen McRae (leur mariage durera jusqu’en 1956).
A son retour de l’armée en 1946, il se convertit à l’islam et rejoint le big band de Gillespie qu’il accompagne en Europe en janvier 1948. C’est à cette période qu’il décide de rester en Europe, mais il rentre à New-York durant l’été et ne reviendra définitivement à Paris qu’en 1956.

De 1948 à 1956 (date de son arrivée à Paris), Kenny Clarke participe à plus de 100 enregistrements, avec  Miles Davis (Birth of the Cool, Walkin’) ou Thelonious Monk notamment.
Son jeu de batterie a atteint sa maturité. Son habileté, son jeu de cymbales, son assise rythmique, son swing impressionnent. Il tient parfois le rythme uniquement avec son jeu de cymbales ride, offrant un “swing aérien” et un confort de jeu pour tous les autres solistes. Son statut de “Free lance” lui assure des opportunités et des rencontres musicales.

En 1951, Kenny Clarke rejoint le pianiste John Lewis, le vibraphoniste Milt Jackson et le bassiste Ray Brown (tous des vétérans du Dizzy Gillespie Orchestra) pour former le Milt Jackson Quartet (qui deviendra plus tard le Modern Jazz Quartet). Il y restera jusqu’en 1955, tout en continuant, durant cette période, à enregistrer avec Miles Davis et à participé à de nombreuses sessions pour Savoy Records dont il était le batteur principal

En mars 1956, Michel Legrand, venu à New-York avec Maurice Chevalier, lui transmet la proposition d’entrer dans l’orchestre de Jacques Hélian. Kenny Clarke accepte et s’installe en France.
Sa “période européenne” débute. Très vite, il apparait comme le Jazzman américain le plus populaire en Europe et il joue ou enregistre régulièrement avec les musiciens américains de passage à Paris : Ben Webster, Coleman Hawkins, Don Byas, Dexter Gordon, Archie Shepp, Bud Powell, Johnny Griffin, Lee Konitz…Il apporte son aide à des musiciens comme Martial Solal ,Stéphane Grappelli.
Il joue au Club-Saint-Germain et devient le batteur attitré du Blue Note de Paris, de 1959 à 1966.
En 1957, il enregistre, avec Miles Davis, la bande originale du film de Louis Malle Ascenseur pour l’échafaud. Puis, en 1959, la bande originale du film Un témoin dans la ville avec Barney Wilen et Kenny Dorham.
Toujours en 1959, il forme un trio, The Three Bosses, avec le pianiste Bud Powell et le bassiste Pierre Michelot.
En 1961, il crée un grand orchestre avec le pianiste Francy Boland composé de musiciens européens et de musiciens américains expatriés. Ce grand orchestre, créé à l’initiative du producteur italien,Gigi Campi, durera onze années. Le Clarke-Boland Big Band se caractérise par une orchestration Bop des thèmes et aussi par le jeu contrasté des 2 batteurs Kenny Clarke et Kenny Clare…orchestre qui recevra de nombreux solistes européens comme Tony Coe, Derek Humble, Ake Persson, Kenny Wheeler et les américains Johnny Griffin, Kenny Bailey et Sahib Shihab.

En 1962, il se marie avec Daisy Wallbach, et leur fils, Laurent, naît en 1964.
En 1967, il ouvre une école de batterie avec Dante Agostini, d’abord à Paris, puis à St Germain-en-Laye, à Montreuil, se passionnant alors pour l’enseignement.
À partir de 1968, Kenny Clarke a fait partie du Quatuor avec orgue du clarinettiste Jean-Christian Michel durant 10 ans.
Après vingt ans d’absence, il rentre aux États-Unis en 1977, y retourne périodiquement et constate avec émotion le respect et l’intérêt des jeunes musiciens à son égard.

Kenny Clarke décède le 26 janvier 1985 d’une attaque cardiaque à son domicile montreuillois. Il repose au cimetière du Père-Lachaise.
Son rôle dans l’évolution du Jazz (français et mondial) est considérable.
Ce “père créateur de la batterie moderne” laisse derrière lui un héritage technique et musical impressionnant.

Kenny Clarke et la batterie

Kenny Clarke a fait rentrer la batterie dans l’ère moderne.  Inventeur de la batterie be-bop (avec Max Roach et Art Blakey), il a, au début des années 1940, bouleversé les concepts du tempo, jusque-là appuyé sur les caisses et ponctué par les cymbales (comme dans les orchestres de swing). Il inverse les rôles : c’est sur la grande cymbale (ride) que le tempo est marqué, prodiguant ainsi un chabada et un continuel « ding ding » à la pulsation plus flexible ; ponctuations et accentuations sont assurées par la caisse claire et la grosse caisse, celle-ci balançant quelques « bombes » fort stimulantes pour le soliste. La batterie devient donc un instrument de concert et non plus pour la danse, libérant du même coup la contrebasse. Il est de ce fait l’inventeur de la technique moderne de la batterie jazz dite du “bomb drumming”, qui consiste à marquer des interventions à la caisse claire et/ou à la grosse caisse pendant que la ride et les cymbales charleston marquent le tempo.
Il a inventé ce style moderne de batterie basé sur une alternance de continuité et de discontinuité. Celui-ci correspond à une nouvelle mise en place du batteur pour assurer les deux fonctions – continuité et discontinuité- par des mouvements asymétriques :
- la main droite marque le tempo de base sur la cymbale ride, et le pied gauche, les second et quatrième temps avec la charleston,
- la main gauche, sur la caisse claire ou les toms, ainsi que le pied droit, sur la grosse caisse, ponctuent de manière variable et discontinue.

La photo ci-dessus montre une batterie de Kenny Clarke. Il s’agit d’une batterie Premier “Diamond Pearl” des années 1960 (conservée dans un musée aux USA). On y voit un tom alto (8×12), un tom basse (14×14), et une grosse caisse (12×20) . S’y ajoutait 2 pieds de cymbales et une caisse claire. Max Roach posséda aussi cette batterie.

Kenny Clarke et Montreuil

C’est en 1962 que Kenny Clarke achète un pavillon à Montreuil au 142 bis, rue de Rosny.
Il confiait volontiers qu’il “était ici chez lui”. Il accueille fréquemment des jazz-men américains en tournée en Europe et le détour par Montreuil s’impose. Il y résidera jusqu’à sa mort en janvier 1985.
A l’initiative de son épouse,de son fils, et de la municipalité, un hommage public lui a été rendu le mardi 29 janvier 1985. Du funérarium au centre des Expositions, un cortège d’amis, connus ou inconnus, l’accompagnait.
Puis, au centre des expositions, durant près de 6 heures, un très grand nombre de musiciens lui ont rendu un dernier hommage : Michel Devillers, Michel Roques, Steve Lacy, Roger Guérin, Herbie Hancock..
Le 4 juin 2005, fut inaugurée à Montreuil une rue portant son nom. Cette rue longe une partie du collège Paul Eluard (elle commence Rue Raspail et finit rue Lebour).

Ci-dessous, la plaque de rue Kenny Clarke à Montreuil.

Discographie (forcément sélective)

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Les CD ci-dessus sont disponibles dans les bacs du secteur Musique de la Bibliothèque de Montreuil.
Vérifiez leur disponibilité, réservez-les ici.

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1 commentaire jusquà maintenant ↓

#1 Audinet Marc on 06.19.13 at 4:51

J’ai commencé à jouer de la batterie à 17 ans et mon maître a tout de suite été Kenny Clarke- et les boppers à l’encontre des autres jeunes musiciens nimois de ma génération attirés par le N.Orléans. Une trop courte
période de 3 ans à Paris m’a néanmoins permis d’écouter Bird en direct . Je détiens toujours une relique : une cravate dédicacée de Bird, Miles,Tadd Dameron, Max Roach, Klook et tant d’autres ( Pleyel 1949).Kenny a toujours été pour moi un de mes batteurs favoris.
Je l’ai revu un cours d’un repas chez mon vieil ami Roger Guérin et +tard au retour d’un voyage à N.Y , j’ai appris à Daisy son épouse qu’à ma grande joie j’avais vu une plaque commémorative à son nom sur la 52 rue.Ce détail a d’ailleurs été rapporté dans mon autobiographie : ”Un boeuf dans l’Arène”
Bien qu’ayant beaucoup joué ( batterie puis vibraphone) je n’ai jamais été professionnel, et suis à présent un vieux monsieur retraité cadre bancaire de 87 ans.

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